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VYGOTSKI ET L'ECOLE

24 avril 2011

AXE 5

AXE  (animé par Bernard Prot et Bernard Schneuwly)

 

Formation générale – formation professionnelle 

 

Références vygotskiennes



C’est d’abord depuis quelques textes de Vygotski qu’on organise l’axe directeur de cet atelier, puis à partir de notre actualité qui, à travers les dispositifs de « formation et d’orientation tout au long de la vie », interroge fortement les distinctions traditionnelles entre les modes d’acquisition et de validation des acquis scolaires et des acquis de l’expérience.



Dans La méthode instrumentale en psychologie, paru en 1930, Vygotski propose l’analogie entre « l’instrument technique » et « l’instruments psychologique », pour souligner leur différence. Dans les deux cas, des « élaborations artificielles » peuvent devenir des « instruments » qui « s’intercalent » entre l’opération psychique et son objet, en transformant  cette opération. Mais alors que le premier est destiné à obtenir des changements dans « l’objet externe », le second tend à « exercer une influence sur  le psychisme propre (ou celui des autres) ou sur le comportement ».



Cette approche, souvent reprises et discutées, présente un point de départ particulièrement intéressant pour engager la réflexion de cet atelier. Pour penser les rapports entre formation générale et formation professionnelle, on ne commencera pas par les séparer à priori mais, au contraire, par les considérer d’abord depuis une même base théorique, une théorie instrumentale commune au développement de l’ensemble des fonctions psychologiques.



L’article de Vygotski se termine d’ailleurs par une conclusion en forme programme, qui définit un l’objet d’étude :



L’étude d’une situation déterminée et d’une structuration particulière de comportement de l’enfant requiert l’étude de ses actes instrumentaux et l’évaluation de la restructuration des fonctions naturelles entrant dans un acte donné. La méthode instrumentale est une méthode d’investigation du comportement et du développement à travers l’études des instruments psychologiques utilisés dans le comportement et celle de la structuration des actes instrumentaux qu’ils suscitent.



Cette théorie instrumentale ajoute une dimension historique à l’analyse. Vygotski cite ici Blonski : « Le comportement peut être compris uniquement comme histoire du comportement ».



Trois ans plus tard, Vygotski est plus précis. Dans Pensée et Langage (1997), il réfute, en reprenant certaines idées de Gross et de Külpe, l’idée que l’abstraction commence avec l’usage des concepts enseignés dans les classes supérieures. Il propose une définition de l’abstraction architecturée sur le développement de différents instruments psychologiques. L’abstraction, bien avant l’acquisition du langage, peut être fondée sur des perceptions qui, déjà organisées en « attente », ouvrent une « brèche dans la perception globale » (253-254) de l’enfant. L’abstraction peut être constituée par l’usage d’instruments techniques qui contribuent à organiser l’activité et la « pensée pratique » (p. 256). Enfin l’abstraction peut être le résultat d’une activité médiatisée par des instruments symboliques.



Dans les trois cas, souligne Vygotski, l’enfant réalise une formation psychique hybride, un « concept potentiel » qui demande à l’enfant «une très grande tension de toute l’activité de sa propre pensée », parce qu’il inaugure une restructuration de l’organisation des ressources déjà accumulées, en même temps qu’il provoque un développement de l’instrument technique ou de la signification de l’instrument symbolique mobilisé. Si l’abstraction est une forme de généralisation, ses effets potentiels sont différents selon les ressources qui l’organisent – perceptives, techniques, symboliques. Généralisation par abstraction et généralisation par complexification des concepts semblent être distinguées comme deux sources de développement de la pensée, dans ce passage qu’on mettra en rapport avec les chapitres de Pensée et langage consacrés au développement des concepts.



Mais aussi, dans Enseignement et développement mental, écrit dans la même période entre 1933 et 1934, Vygotski revient d’une autre manière sur ces questions, et il le fait cette fois à propos de l’apprentissage professionnel. S’il affirme des différences entre « l’apprentissage de l’adulte et celui de l’enfant », il ouvre des perspectives d’approfondissement et relève aussi les limites des recherches réalisées jusqu’alors : 



L’importance de l’enseignement en tant que facteur essentiel pour déterminer la zone proximale du développement peut être plus clairement mise en évidence en confrontant l’apprentissage de l’adulte avec celui de l’enfant. Ce n’est que récemment qu’on a prêté attention à la différence fondamentale qui existe entre ces deux types d’apprentissages. Comme on le sait, les adultes ont aussi à leur disposition de grandes capacités d’apprentissage. L’idée de James selon laquelle après 25 ans il est impossible d’assimiler de nouvelles idées, a été complètement contredite par les recherches expérimentales modernes. Pourtant, aujourd’hui encore, on n’a pas suffisamment mis en évidence ce qui distingue l’apprentissage des adultes de celui des enfants.



En effet, si l’on considère, comme le proposent les théories de Thorndike et de James que nous avons citées, le processus d’apprentissage comme équivalent à celui de la simple formation d’habitudes, il ne peut y avoir de différence fondamentale entre apprentissage de l’enfant et apprentissage de l’adulte, puisque dans les deux cas, ce sont les mêmes mécanismes qui sont à la base de la formation des habitudes. La différence se réduit à la facilité et à la rapidité plus ou moins grande du processus d’acquisition.



Les choses se présentent très différemment quand on cherche à déterminer, par exemple, la différence entre l’une part apprendre à taper à la machine, à aller en bicyclette, à jouer au tennis pour l’adulte et apprendre la langue écrite, l’arithmétique ou les sciences naturelles durant l’âge scolaire. Pour nous, la différence réside dans le rapport différent aux processus de développement.



Apprendre à taper à la machine implique effectivement l’assimilation de certaines habitudes qui en tant que telles ne produisent aucun changement dans la configuration mentale humaine, étant donné qu’elles se servent de cycles de développement déjà accomplis et achevés. Et c’est précisément pour cette raison qu’un tel apprentissage n’a qu’une importance insignifiante pour le développement mental.



Mais pour ce qui concerne l’apprentissage de l’écriture, nous devons tenir un discours différent. Des recherches menées à ce propos et dont nous parlerons ailleurs ont démontré que ce processus ouvre une série de nouveaux cycles de développement d’une grande complexité, qu’il apporte des modifications tellement fondamentales dans le cadre du développement mental général de l’enfant qu’on peut le comparer avec l’effet de l’apprentissage du langage lors du passage de la prime enfance à l’enfance.



(…)



Montrer comment l’acquisition des quatre opérations arithmétiques produit toute une série de processus internes très complexes dans le développement de la pensée de l’enfant constitue la tâche essentielle de la pédologie pour l’analyse du processus pédagogique.



Notre hypothèse suppose l’unité mais non l’identité des processus d’enseignement et des processus internes de développement. Elle présuppose le passage des uns aux autres. Le véritable objet de l’analyse pédologique consiste à montrer comment la signification externe et l’habileté de l’enfant deviennent internes.



L’analyse pédologique n’est pas la psychotechnique de l’école. Le travail scolaire de l’enfant n’est pas un métier. Il n’est pas analogue à l’activité professionnelle des adultes.



Ce qui apparaît ici comme une opposition assez mécanique et simpliste dans ce passage est fondé plus profondément dans un autre passage où Vygotski discute la spécificité de la pédologie :



Le problème n’est pas dans le tout et le développement en général, mais dans un tout pédologique et dans ses conceptions du développement comprenant toutes les facettes du développement de l’enfant dans leur synthèse.



A partir de là il est clair que l’idée d’une “pédologie” de l’adulte souvent avancée chez nous, qui tendait à transposer aux sciences étudiant l’adulte les mêmes corrélations qui s’ébauchent pour l’étude de l’enfant est une idée erronée, car sur la base de cette affirmation se trouve l’idée que l’enfant est un petit adulte et que les processus de développement de l’enfant ne se présentent pas qualitativement de manière spécifiques et par conséquent cette corrélation, ce nouveau nœud, cette nouvelle synthèse, cette nouvelle forme de liens qui caractérisent le mouvement des indices morphologiques, physiologiques et psychologiques à l’âge de l’enfance conservent aussi leur puissance pour l’âge adulte. (Vygotski, Textes pédologiques, sous presse, p. 110 du manuscrit)



L’affirmation est forte : le développement de l’enfant jusqu’à y compris l’adolescents et défini notamment par une redéfinition continuelle des rapports entre indices ou facteurs morphologiques, physiologiques et psychologiques. Ceci se manifeste dans une conception du développement décrit comme suit ; il défend une



représentation du développement de l’enfant comme un processus de devenir de la personne, de l’émergence de la personnalité humaine qui s’accomplit par la voie de l’apparition incessante de nouvelles particularités, de nouvelles qualités, de nouvelles propriétés, de nouvelles formations qui se préparent dans le cours antérieur du développement, sans être déjà prêtes, même en moindres proportions dans les étapes précédentes. (p. 15)



Mais bien sûr :



Je ne pense pas que l’adulte ne se développe pas, mais je crois qu’il se développe en obéissant à d’autres règles, et que pour ce développement, il y a d’autres liens caractéristiques que pour l’enfant et que la particularité qualitative du développement de l’enfant est l’objet direct de la recherche du pédologue. D’après moi, parler d’une pédologie de l’adulte n’est pas seulement faux du point de vue du nom même de pédologie, mais surtout du point de vue de l’étirement dans une seule ligne spécifique, les processus de développement de l’enfant et les processus de transformation de l’adulte. Je le répète : les mêmes lois ne peuvent englober à la fois le changement interne du développement de l’enfant et les changements des âges plus tard. Je n’exclue pas que la science doit étudier et la psychologie en particulier, les changements, disons, qui se produisent à l’âge mûr ou pendant la vieillesse, mais je n’associe pas ces deux problématiques, je ne pense pas que cet objet appartienne à cette catégorie de phénomènes auxquels la pédologie a affaire. (p. 120)

 

Questionnement



Les contributions de cet atelier devront permettre de revenir, d’une manière ou d’une autre, sur ces affirmations et pistes de travail vygotskiennes, sur les limites et contradictions éventuelles, pour apporter  des confirmations, contestations, avancées et déplacements du problème. Deux problématiques enchevêtrées apparaissent :



-          l’une est celle du développement de l’adulte ;



-          l’autre est celle du rapport entre concepts quotidien et concepts enseignés/scientifiques.



Vygotski n’a abordé que le développement de l’enfant et a, pour saisir la spécificité du développement de l’enfant à l’âge scolaire, introduit le concept de concept quotidien et concepts enseignés. Le questionnement général de l’atelier consiste à voir, dans le cadre plus général de l’approche instrumentale proposée par Vygotski, d’esquisser des pistes pour penser la question du développement de l’adulte et ce plus particulièrement, vu la problématique générale du symposium, dans le rapport à la formation institutionnelle des adultes, nécessairement en interaction avec le travail et la formation professionnelle. Cet atelier ouvrira ainsi la discussion sur des questions transversales du séminaire.



-          Institutions « formellement » dédiés à l’apprentissage (au sens large) versus contextes de travail, familiaux et associatifs.



-          Concepts quotidiens versus concepts enseignés



-          Connaissances « générales » versus connaissances « disciplinaires »



Par exemple, à partir de Vygotski, on pourrait dire que les professionnels développent des « concepts quotidiens » au travail. Mais les concepts quotidiens dont parle Vygotski sont d’abord ceux des enfants, liés donc au milieu familial et social. Dans quelle mesure, avec quelles limites les « concepts quotidiens » dont parle Vygotski peuvent-ils nous permettre de penser les « concepts quotidiens » que développent des professionnels dans l’exercice de leur métier. Peut-on vraiment soutenir l’usage d’une même notion, celle de « concepts quotidiens », à propos des milieux professionnels, et si oui, à quelles conditions ? Et si non, quelle terminologie utilisée, et surtout quels outils conceptuels développés ?



Comment établir un rapport entre les conceptions développées au travail et les conceptions des élèves ?



A quelles conditions les référentiels, curricula ou programmes peuvent-ils devenir des instruments de développement de la relation entre celles-ci et celle-là, en dehors de l’illusion adéquationniste tout autant que de leur confusion dans des catégories métaphoriques du stock ?



Plus généralement : comment une perspective instrumentale déplace-t-elle la manière de poser le problème et de produire des résultats ? Et comment penser la question du développement de l’adulte ?

 

Questionnements situés dans l’actualité



On invite les contributeurs à mettre l’accent, dans leurs analyses, sur les enjeux contemporains de cette question. En particulier : Les modifications récentes de nos systèmes de formation et de certification, dans une perspective de « formation tout au  long de la vie ». Ainsi, dans de nombreux pays, un même diplôme peut désormais être obtenu à partir des acquis de la formation et à partir des acquis de l’expérience. Cette disposition rejoint une série d’autres mesures qui participent à valoriser les connaissances développées au travail. On lira, par exemple, un récent rapport de l’OCDE, qui fait le point sur les pratiques de reconnaissance et de validation en Europe. On cite ici quelques phrases de l’introduction :



La reconnaissance des acquis d’apprentissage non formels et informels est à l’ordre du jour politique.



Si on acquiert des savoirs, savoir-faire et compétences dans des contextes formels d’enseignements, on en acquiert aussi, soit intentionnellement, soit de manière informelle, dans la vie de tous les jours. Les décideurs et les pays de l’OCDE sont de plus en plus conscients que les compétences acquises ainsi constituent une riche source de capital humain. Dans bien des cas, elles sont pleinement reconnues, comme l’attestent les augmentations de salaires qui en tiennent compte. Mais tout le monde n’est pas conscient de son propre stock de capital humain et de sa valeur potentielle. Et certaines personnes ne tirent pas pleinement profit de leurs acquis parce qu’elles ne peuvent pas facilement donner le preuve de leurs compétences. La reconnaissance des acquis d’apprentissages non formels et informels ne crée pas, en elle-même, le capital humain, mais elle rend le stock plus visible et augmente sa valeur pour l’ensemble de la société. (O.C.D.E. (2010). Reconnaître l’apprentissage non formel et informel. Résultats, politiques et pratiques[1]

 

Ce langage économique, qui agrège facilement en un même stock des connaissances aussi disparates, interroge nos propres ressources langagières, les catégories qui permettent de distinguer des connaissances différentes et les rapports qu’il est possible d’établir entre elles. Il sera intéressant d’interroger ce langage dans une perspective vygotskienne.



Autres lectures pour travailler Vygotski



Ces questions, si elle demandent un travail sur et à partir des textes de Vygotski (y compris en discutant la présentation qui en est faite ici), rejoignent les séries de travaux contemporains préoccupés de la conception d’enseignements à visée professionnelle, dans le contexte de la formation initiale ou à l’âge adulte. Définir des distinctions entre les milieux scolaires et professionnels et tout autant travailler à établir les conditions qui permettent les liaisons entre ces manières de penser.



A ce titre, et pour offrir un contrepoint aussi bien aux textes de Vygotski qu’aux publications contemporaines, on invite aussi à lire l’ouvrage d’A. Léon, publié dans la période de développement de l’enseignement professionnel initial et continu (1965). Formation générale et apprentissage du métier, Paris : PUF.



On invite également à une lecture de quelques extraits du livre de M. Young (Bringing knowledge back in, 2008 : p. 65-80 le chapitre ‘Structure’ and ‘activity’ in Durkheim’s and Vygotsky’s théories of knowledge, et 181-186 le chapitre Experience as knowledge ? The case of the recognition of prior learning) qui font directement référence à quelques discussions cruciales à propos de l’utilisation des concepts de Vygotski concernant concepts quotidiens et enseignés/scientifiques et, comme exemple intéressant à discuter, à propos de la validation des acquis d’expérience (recognition of prior learning).

 

 

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23 avril 2011

AXE 4

Axe 4 (animé par Christiane Moro et Valérie Tartas)

 

Dynamiques développementales et situations éducatives

 

A l’inverse des positions assertées dans les meanstreams psychologiques où c’est le développement naturel qui l’emporte (cf. Ottavi pour quelques repères historiques), Vygotski met l’accent sur le caractère appropriatif du développement psychologique, avec un focus plus particulier sur le statut du développement à l’âge scolaire (Vygotski, 1934/1997 ; 1933/1985) et sur la forme spécifique d’éducation qu’est l’enseignement qui instaure une rupture par rapport au développement antérieur. Il illustre son propos en distinguant les concepts quotidiens (parfois dits spontanés) des concepts scientifiques dont il souligne qu’ils se développent selon des mouvements inversés (Vygotski, 1934/1997). La rupture apparaît comme la condition du développement sur la scène scolaire, des situations formelles dont la finalité est la transmission des savoirs étant alors créées (Brossard, 1994 ; 2001). Le développement préscolaire est conçu par Vygotski comme une propédeutique au développement scolaire ultérieur. Trois niveaux de développement sont distingués : « l’enfant du premier âge […] apprend en suivant son propre programme, l’écolier apprend selon le programme du maître mais l’enfant d’âge préscolaire est capable d’apprendre dans la mesure où le programme du maître devient son propre programme » (Vygotski, 1935/1995, p. 36). Les notions de « programme de l’enfant », de « développement déjà-là », de « concepts quotidiens » et « concepts scientifiques » ainsi que la « Zone Proximale de développement » sont autant de notions importantes à re-problématiser à la lumière des travaux contemporains de psychologie, sciences de l’éducation et de didactiques afin d’en souligner à la fois les tensions dynamiques et les pistes novatrices comme les voies sans issue.



Dans le cadre de cet axe, à partir d’une réflexion inscrite dans les textes vygotskiens dont quelques-uns des thèmes ont été brièvement esquissés ci-dessus, nous nous interrogerons sur les transformations qui s’opèrent depuis la scène quotidienne (dans la vie courante) jusque sur la scène scolaire (institutions dévolues aux apprentissages formels) en passant par les diverses scènes préscolaires (institutions de la petite enfance et écoles enfantines/maternelles). La visée serait de tenter de saisir les dynamiques développementales qui se jouent sur ces différentes scènes institutionnelles, quelles situations et médiations éducatives s’y trouvent proposées permettant à l’enfant puis à l’élève de se détacher des formes immédiates de l’agir pour entrer dans des formes chaque fois plus indirectes et complexes de rapport au monde via les intentions éducatives puis enseignantes dont les médiations s’organisent autour des objets de savoir, dans une logique plus épistémique et conceptuelle que pragmatique.



Textes de Vygotski d’où émerge la problématique de l’axe :



Vygotski, L.S. (1933/1985). Le problème de l’enseignement et du développement mental à l’âge scolaire. In B. Schneuwly et J.-P. Bronckart (Eds.), Vygotski aujourd’hui (pp. 95-117). Paris : Delachaux & Niestlé.



Vygotski, L.S. (1934/1985). Pensée et langage. Paris : La Dispute. Plus spécifiquement le chapitre 6, partie I p.207 à 229.



Vygotski, L.S. (1935/1995). Apprentissage et développement à l’âge préscolaire. Société Française, 2(52), 32-45.

 

Questions possibles :



                      Comment saisir les dynamiques développementales qui se manifestent sur les différentes scènes institutionnelles incluant un rapport dialectique entre le développement « déjà-là » et le développement potentiel ?



                      Quelles sont les situations éducatives proposées aux enfants et aux élèves au sein des institutions (institutions de la petite enfance, écoles enfantines et maternelles, élémentaires et primaires…)



                      Quelles sont les caractéristiques spécifiques des médiations éducatives et enseignantes au sein des diverses institutions éducatives et/ou de formation ?



                      Quelles continuités et ruptures sont attestables au sein des différentes institutions et au sein des différents groupes d’âge en lien avec les projets éducatifs et/ou les programmes ?



                      Quelle prise en compte du développement « déjà-là » pour organiser des situations éducatives et d’enseignement de la part des éducateurs-trices et des enseignant-e-s ?



                      Quel est le statut de la matérialité (objets matériels, gestualité, corporéité) dans ces situations ? Autrement quels sont les ressorts/ressources de la situation immédiate pour conduire l’enfant ou l’élève vers des formes nouvelles de développement ?



                      Qu’est-ce qui est prioritaire dans les situations mises en place : les usages, les utilisations ? l’apprentissage de techniques (déjà plus détaché de l’usage) ? ou l’objet de savoir ? i.e. les apprentissages s’organisent-ils de manière plus immédiate et contextualisée ou de manière plus formelle et décontextualisée ?



                      Comment concevoir le rapport entre pragmatique et épistémique dans les différents lieux institutionnels ?



                      Quels sont les différents systèmes sémiotiques à l’œuvre dans ces différents lieux institutionnels  pour amener l’enfant vers de nouvelles formes de développement ?



Références :



Brossard, M. (1994). Adaptation de l’enfant à l’école et lisibilité des situations scolaires. Bordeaux : Collection Scientifiques Stablon.



Brossard, M. (2001). Situations et formes d’apprentissage. Revue suisse des sciences de l’éducation, 3, 423-436.



Ottavi, D. (2001). Pour une histoire de la psychologie de l’enfant. De Darwin à Piaget. Paris : CNRS Editions.



Vygotski, L.S. (1933/1985). Le problème de l’enseignement et du développement mental à l’âge scolaire. In B. Schneuwly et J.-P. Bronckart (Eds.), Vygotski aujourd’hui (pp. 95-117). Paris : Delachaux & Niestlé.



Vygotski, L.S. (1934/1997). Pensée et langage. Paris : La Dispute.



Vygotski, L.S. (1935/1994). The Problem of Environment. In R. Van der Veer and J. Valsiner (Eds.). The Vygotsky Reader (pp. 338-354). Cambridge : Blackwell.



Vygotski, L.S. (1935/1995). Apprentissage et développement à l’âge préscolaire. Société Française, 2(52), 32-45.

 

22 avril 2011

AXE 3

Axe 3 (animé par Christophe Joigneaux et Jean-Yves Rochex)

 

Socialisation, apprentissage et développement dans et hors l’école :

Questionnements psychologiques et sociologique

Dans le chapitre 6 de Pensée et langage, Vygotski critique explicitement les conceptions des rapports entre concepts spontanés et non spontanés (scientifiques), entre pensée enfantine et apprentissage scolaire ou pensée des adultes, en termes de rapports de seule opposition et d’éviction des premiers par les seconds, conceptions conduisant à penser qu’« entre les uns et les autres les seuls rapports possibles sont l’antagonisme incessant, permanent, le conflit et l’éviction des uns par les autres. Les uns doivent disparaître pour que les autres puissent prendre leur place. Il doit ainsi y avoir, tout au long du développement enfantin, deux groupes antagonistes de concepts – spontanés et non spontanés – dont les rapports réciproques à mesure que l’enfant avance en âge, ne se modifient que quantitativement ». À l’encontre de telles conceptions, il plaide pour une étude des relations d’« interdépendance réciproque » entre concepts quotidiens et concepts scientifiques, soit donc pour une conception dialectique de leurs rapports, des situations qui font leurs forces ou leurs faiblesses, des processus de développement qu’ils servent ou dont ils sont le produit, des médiations qu’ils réalisent ou dont ils émanent. Le plaidoyer pour une telle pensée dialectique ne concerne d’ailleurs pas seulement le développement de l’enfant, mais a potentiellement une portée plus générale, de nature épistémologique, concernant les rapports entre le mouvement et la nature des différents ordres de savoirs, mais aussi les rapports entre les différents types d’activité sociale.

Acquisition des concepts quotidiens et des concepts scientifiques, développement spontané et développement scolaire, socialisation première (familiale) et  socialisation scolaire, ne sont donc pas des étapes successives, dont la seconde évincerait, plus ou moins progressivement la première, dont les rapports ne se modifieraient que quantitativement, mais des processus interdépendants dont les relations ne cessent de se reconfigurer au cours du développement et au carrefour des milieux, des activités et des expériences sociales des sujets.

Ces considérations nous invitent à faire usage des couples conceptuels proposés par Vygotski – lesquels font écho à d’autres couples conceptuels proposés par d’autres auteurs tels que Durkheim, Bakhtine ou Basil Bernstein – au service d’une pensée dialectique qui ne soit pas une pensée binaire, et qui puisse ne pas présupposer une relation d’équivalence entre les différents contextes socio-institutionnels, et les différents  modes d’activité et types d’apprentissage ou de développement, mais qui s’attache à décrypter et analyser la pluralité des contextes et des historicités qui font l’épaisseur et l’hétérogénéité des situations et des processus de socialisation et de développement.

D’où sans doute la nécessité de mieux travailler, au-delà de leur usage générique et indifférencié, les notions d’outil, de social ou de médiation, que nous empruntons au travail de Vygotski ou que nous soulignons dans les commentaires que nous en faisons. Ainsi Kozulin (2009) nous invite-t-il à spécifier – sur chacune des deux composantes que sont l’intervention d’autrui (depuis la construction de l’attention conjointe et les premières formes d’étayage de l’activité de l’enfant, décrites par Bruner en contexte familial, jusqu’à l’enseignement et à la construction de dispositifs et de situations didactiques) et les outils et signes et leurs usages – non seulement les types et les modes de médiation, mais aussi les conditions (« pédagogiques », sociales, subjectives) de leur « efficacité » développementale. Kozulin plaide donc, avec d’autres, pour un usage spécifié et différencié du concept de médiation(s), qui permette d’en étudier les différents types et les différentes modalités, selon les contextes institutionnels (dans la famille, dans l’école, au sein des groupes de pairs… ,) et sociaux.

Une telle perspective de recherche ne saurait évidemment se déployer sans interroger ce qu’il en est dans les différents milieux sociaux et familiaux (dont on sait qu’ils diffèrent sensiblement, par exemple, au regard du processus et des modalités de distanciation étudiés par Sigel, ou de la présence et des usages de l’écrit, pour ne prendre que ces deux exemples), mais non plus sans se demander en retour si et en quoi les modes de médiation propres à l’école et leurs exigences propres peuvent prendre appui – pour permettre et favoriser le développement et les apprentissages – sur les modes et formes de médiation propres à l’univers familial (ou à d’autres univers non-scolaires), ou, au contraire si et en quoi ils contribuent, particulièrement en milieux populaires, à les disqualifier, au risque d’entraver le développement. Il y a là une direction de recherche d’autant plus importante que les objets et les formes propres à l’univers scolaire connaissent aujourd’hui une diffusion considérable, quoique socialement différenciée, hors et avant même l’expérience de scolarisation, y compris dans les milieux populaires.

Cette perspective ne saurait non plus porter tous ses fruits sans croiser les questionnements de nature psychologique et sociologique, sans s’efforcer de sortir de la division sociale du travail de recherche entre une sociologie de l’éducation et des inégalités scolaires insuffisamment soucieuse des modalités effectives des activités de transmission et d'appropriation des savoirs et techniques intellectuelles, et une psychologie, une pédologie ou des didactiques insuffisamment soucieuses des différents rapports et contextes sociaux et institutionnels dans lesquels sont toujours situées ces activités. Concernant plus particulièrement le travail et l’œuvre de Vygotski, la perspective de travail dessinée ici s’efforcera de prendre en considération les usages et les interrogations de l’œuvre et des concepts du père de la psychologie historico-culturelle non seulement par des psychologues et didacticiens, mais aussi par des sociologues tels que Basil Bernstein ou Michaël Young, confrontant par exemple l’œuvre de Vygotski avec celle de Durkheim pour développer leurs propres travaux et postures de recherche dans le domaine de la sociologie de l’éducation, du curriculum ou des discours pédagogiques .

 

Textes qui pourraient être au cœur du travail de cet axe :



BERNSTEIN B. (1994), « Foreword », in Daniels H.(dir.), Charting the agenda. Educational Activity after Vygotsky, London – New York, Routledge, 1994, p. XIII-XXIII.



(on pourra, sur la pensée de Bernstein et sa discussion non seulement du travail de Vygostki, mais de ce qu’il nomme le “post-vygotskisme“ anglo-saxon, lire son dernier ouvrage Pédagogie, contrôle symbolique et identité, trad. fr., Presses de l’Université Laval, 2007).



HASAN R. (2002), «  Ways of Meaning, Ways of Learning : Code as an Explanatory Concept », British Journal of Sociology of Education, vol. 23, n° 4 p. 537-548



HASAN R. (2004), « The concept of semiotic mediation : perspectives from Bernstein’s sociology », in Muller J., Davies B. & Morais A. (dir.), Reading Bernstein, Researching Bernstein, London, Routledge Falmer, p. 30-43.



KOZULIN A. (2009), « Outils psychologiques et apprentissage par médiation », in A. Kozulin et al. (dir.), Vygotski et l’éducation. Apprentissages, développement et contextes culturels, Paris, Retz (traduction partielle de Vygotsky’s Educational Theory in Cultural Context, Cambridge University Press, 2003).



ROCHEX J.-Y. (2008), « L’œuvre de Bernstein : une sociologie non déterministe, parce que non sociologiste », in D. Frandji & P. Vitale (dir.), Actualité de Basil Bernstein. Savoir, pédagogie et société, Presses Universitaires de Rennes (en anglais « The work of Basil Bernstein : a non-“sociologistic“ and therefore non-deterministic sociology », in D. Frandji & P. Vitale [eds], Knowledge, Pedagogy and Society. International Perspectives of Basil Bernstein’s Sociology of Education, Routledge, 2010).



VYGOTSKI L. S. (1930/1975), « Internalization of Higher Psychological Functions » (extrait de Tool and Symbol in Children’s Developement), in Mind in Society, Harvard University Press, 1975.



VYGOTSKI L. S. (1934b/1997), Pensée et langage, chapitre 6 « Étude du développement des concepts scientifiques pendant l’enfance », Paris, La Dispute.



VYGOTSKI L. S. (1934a/1994), « Problématique de l’arriération mentale », in Défectologie et déficience mentale, Neuchâtel, Delachaux & Niestlé.



YOUNG M. (2008), Bringing Knowledge Back In, chapitres 3 « Durkheim, Vygotsky and the curriculum of the future », et 4 « ‘Structure“ and “activity“ in Durkheim’s and Vygotsky’s théories of knowledge », London, Routledge.

 

21 avril 2011

AXE 2

Axe 2 (animé apr Geneviève Petitpierre et Gisela Chatelanat)

 

éducation/enseignement spécialisé versus éducation/enseignement ordinaire 



  1. Descriptif  :

Dans la plupart des pays européens, les institutions scolaires sont désormais tenues par la loi d’éviter de désavantager les élèves qui présentent des besoins éducatifs particuliers. L’histoire ayant montré le piège que représente, pour l’élève, le cloisonnement entre le milieu spécialisé et l’école « ordinaire », il importe dorénavant d’envisager leur importante et indispensable coopération. Ce piège affecte également les professionnels œuvrant dans ces contextes, qui ignorent souvent les pratiques et les compétences construites dans les structures « spécialisées » et respectivement « ordinaires ». Mais comment ces deux mondes hétérogènes et disjoints peuvent-ils régler leurs relations réciproques ? Nous proposons d’interroger certaines idées développées par Vygotski à propos de ce qu’il nommait la défectologie moderne afin de tenter de répondre à cette question.

 

Selon Vygotski, le « défaut » ne doit plus être vu comme un manque, mais comme un phénomène qui donne lieu à des formes développementales se caractérisant par la structure qualitativement différente des processus qui les soutendent. Ce principe qui apparaît de bonne heure dans les écrits de Vygotski institue le concept de pluralité de voies de développement et n’est pas sans implications pour l’orientation des travaux tant en psychologie que dans le champ des sciences de l’éducation. En psychologie, elle appelle à s’intéresser à la variabilité interindividuelle et à ses déterminants. En sciences de l’éducation, elle demande de penser l’adaptation didactique à la diversité. Il n’est plus question de juste prolonger le temps d’étude ou de simplement répéter le programme pour rattraper un retard, mais il faut jouer sur les façons d’intervenir et sur les supports éducatifs et scolaires en vue d’un ajustement à la différence. La perspective ouverte par Vygotski suppose cependant que le milieu soit capable d’identifier, de tenir compte et de répondre à la nature singulière, ainsi qu’à la spécificité des modes de pensée de l’enfant qui connaît des vicissitudes développementales. Condamnant la centration sur la dimension déficitaire, Vygotski préconise un principe de différenciation positive qui consiste à privilégier la consolidation et le renforcement des aptitudes de l’enfant, afin de lui permettre d’exercer un plus grand contrôle sur sa vie(Gindis, 2003; Kozulin 2003). Pour Vygotski d’ailleurs, le retentissement social et les conséquences secondaires du défaut sont plus à craindre que son impact direct sur le niveau fonctionnel. En effet, l’exclusion de la collectivité, de même que tout obstacle au niveau du développement social lui-même, est susceptible de créer un surhandicap et de constituer une entrave au déploiement des fonctions supérieures qui se construisent dans les activités collectives. Le maintien des liens avec la communauté est donc une mesure qui contribue à limiter les conséquences secondaires du défaut.  Mais l’immersion suffit-elle ? Les travaux actuels sur l’inclusion et la participation sociale et scolaire des personnes en situation de handicap montrent qu’il est indispensable de penser les conditions d’accueil de la personne « avec un défaut ». Un travail sur les outils, qui passe par un diagnostic d’accessibilité et l’adaptation des dispositifs, est nécessaire pour soutenir la tâche d’instrumentation des fonctions psychiques dévolue à cette personne. La visée à l’intérieur de cet axe consiste à envisager les rapports entre l’éducation spéciale/enseignement spécialisé et l’éducation/enseignement ordinaire et leurs contributions respectives dans la mise au point de ces adaptations.

 

Perspectives de développement possible :



1)    De quelle façon approche-t-on le « handicap » actuellement ?



2)    Concrètement dans quelle mesure avons-nous, en psychologie et en sciences de l’éducation, répondu à l’invite faite par Vygotski de partir à la découverte de la variété et de la richesse développementale et de construire nos interventions à partir de cette diversité ?



3)    Vygotski appelle à envisager les anomalies dont certaines personnes peuvent être porteuses comme des phénomènes donnant lieu à des « types particuliers de développement ». Le fleurissement actuel des études phénotypiques qui tentent de tracer le portrait comportemental des personnes atteintes d’anomalies plus ou moins connues contribue-t-il à enrichir notre conception du développement ? Quels sont les apports et les limites de ces travaux ?



4)    Que sait-on des conditions permettant d’améliorer le statut de l’enfant/la personne connaissant des vicissitudes développementales ?



5)    Quels types d’adaptation le milieu, respectivement l’école doivent-ils privilégier ? Jusqu’où est-il favorable qu’ils s’adaptent ?

 

Lectures :



Deleau, M. M. (1997). Les déficiences et l’approche comparative du développement. In. C. Moro, B. dchnewly & M. Brossard (Eds). Outils et signes. Perspectives actuelles de la théorie de Vygotski (pp. 65-78). Berne : P. Lang.



Detraux, J.-J. (2001). L’intégration d’enfants à besoins éducatifs en milieu scolaire non spécialisé. In J.-A. Rondal & A. Comblain (Eds). Manuel de psychologie des handicaps: sémiologie et principes de remédiation (pp. 441-468). Sprimont : Mardaga.



Musset Marie et Thibert Rémi (2010). « École et Handicap : de la séparation à l'inclusion des enfants en situation de handicap ». Dossier d'actualité de la VST, n° 52, mars.
En ligne : <http://www.inrp.fr/vst/LettreVST/52-mars-2010.php>.



Vygotski, L.S. (1994). Fondements de la défectologie. In K. Barisnikov et G. Petitpierre (Eds), Vygotski, défectologie et déficience mentale (pp. 31-83). Delachaux et Niestlé : Lausanne.



Vygotski, L.S. (1994). La collectivité comme facteur de développement de l’enfant handicapé. In K. Barisnikov et G. Petitpierre (Eds), Vygotski, défectologie et déficience mentale (pp. 155-194). Delachaux et Niestlé : Lausanne.

 

20 avril 2011

AXE 1

Axe 1 (animé par Jean-Paul Bernié et Michel Brossard)

la question de la transmission des savoirs à l’école ; apports et limites des textes vygotsskiens, questions contempotraines….





-          Les rapports entre apprentissages scolaires et développement. Avant d’aborder les questions suivantes, il nous semble nécessaire d’effectuer un cadrage sur la question centrale : comment penser avec précision les rapports entre les apprentissages scolaires et le développement ? Que recèlent d’original les savoirs scolaires pour qu’ils aient le pouvoir de susciter du développement. Nous nous interrogerons également sur le concept de développement tel que l’entend Vygotski dans le chapitre 6. A ce propos on ne pourra pas ne pas parler du concept central « d’intellectualisation des fonctions psychiques ».



-          Cette hypothèse concernant les rapports entre apprentissages scolaires et développement que Vygotski qualifie lui-même d’opératoire, est-elle étayée par des recherches empiriques ? Quels problèmes pose-t-elle aux chercheurs effectuant des recherches, en particulier dans le domaine des didactiques (Bernié et al. 2008, Schneuwly 2008 ) ?



-          L’originalité des situations scolaires. En quel sens la nécessité pour l’école de transmettre des contenus élaborés, scientifiques, contraint-la formation de forme(s) spécifique(s) ainsi que des modes de fonctionnements propres ? Les nombreuses descriptions (sociologiques, psychologiques, didactiques…) dont nous disposons aujourd’hui invalident-elles « l’essence du scolaire » telle qu’elle est appréhendée par Vygotski ? D’autre part on peut se demander si ce sont les « formes » de fonctionnements » attendus des élèves ( questions d’ordre épistémique : on questionne ses propres savoirs ) ou si ce sont les « contenus » qui suscitent du développement ? Ou les deux ?



-          La question de la « transposition didactique » : comme on le sait les phénomènes décrits par M. Verret et Y. Chevallard sous le terme de « transposition didactique » n’ont pas été « vus » par Vygotski. S’agit-il de sa part de « naïveté » quand parlant de « concepts scientifiques »  il prend des exemples très ( trop) simples ? En dépit de cette absence d’analyse sur la formation des contenus transmis à l’école, son apport  reste-t-il pertinent ?



-          Dans le même ordre d’idées, nous avons accumulé au cours de ces dernières décennies, un nombre impressionnant de connaissances empiriques sur l’école : histoire des disciplines, sociologie de l’école et de la population scolaire, fonctionnement des intéractions dans la classe etc…. Ces connaissances qui n’existaient pas au temps de Vygotski rendent-elles caduc ce qu’il a pu nous dire de l’école ? Dit en d’autres termes n’y a-t-il pas une opposition ( source de nombreuses incompréhensions ) entre les options plus ou moins consciemment « culturalistes » (c’est-à-dire empiristes) dominantes en sciences humaines et le rationnalisme de Vygotski. A cet égard il serait intéressant de confronter l’étude  historique de la grammaire scolaire faite par André Chervel et ce qu’en de nombreux textes Vygotski dit de la grammaire.



-          La question des disciplines. Dans ce chapitre 6, on le sait, Vygotski reprend et re-travaille le concept de « discipline formelle » repris de Herbart. Mais si Vygotski justifie le concept de « discipline » par les restructurations qu’une discipline est susceptible de provoquer dans les « systèmes psychologiques » des élèves, on ne trouve dans les différents textes à notre disposition aucune réflexion d’ordre épistémologique sur ce qui fonde – entre les savoirs savants et les savoirs enseignés – une discipline. Ne faut-il pas poursuivre sa réflexion sur ce qu’il entend par  « formel », car la conception qu’il se faisait du savoir n’était en aucune façon « formaliste ». Dans de nombreux textes, il s’inscrit en faux contre le célèbre aphorisme de Goethe : «  Morne est l’empire du concept et éternellement vert est l’arbre de la vie ». Mais dans le syntagme « discipline formelle », quel est le sens précis de « formel » ?

La question des contenus à enseigner. Enfin la perspective historico-culturelle ne nous invite-telle pas à prolonger la réflexion de Vygotski  sur les contenus des savoirs que l’école doit aujourd’hui transmettre. On enseigne trop souvent des « savoirs nécrosés », des savoirs « tombés du ciel » dont il est par conséquent difficile pour les élèves de comprendre la signification. Mettre l’accent sur les « pourquoi » qui sont à l’origine de la production des connaissances, montrer les relations qui se sont historiquement nouées entre les différents domaines de connaissances,  mais aussi montrer la mise en œuvre de ces connaissances dans le monde social contemporain, en un mot mettre l’accent sur les activités productrices des hommes au cours de l’histoire devrait pouvoir faciliter la saisie par les élèves  de la signification des connaissances que l’on met à leur disposition ; et ce faisant devrait faciliter la compréhension de leur propre place en tant qu’apprentis et faciliter l’élaboration par eux-mêmes de leurs conceptions du monde.

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19 avril 2011

ORIENTATION GENERALE DU SEMINAIRE

ORIENTATION GENERALE

Les attaques et les difficultés que rencontre aujourd’hui l’école dans divers pays concernent à la fois les conditions de fonctionnement de l’institution (postes, formation des enseignants, etc…) et son rôle premier puisqu’à la transmission des savoirs tend à se substituer progressivement une logique de formations d’individus « compétents » parce que flexibles. Bien des réponses données dans le champ social déçoivent car elles ne prennent en compte que l’un des volets de l’éducation instituée : le sujet appelé à s’y développer d’un côté, les contenus transmis de l’autre. De la même manière, les institutions éducatives premières (institutions de la petite enfance) se trouvent tendanciellement délégitimées. En témoigne la remise en question de l’intérêt de professionnels formés pour assurer l’éducation dans les institutions préscolaires et pour ce qui est de l’école maternelle, la mise en question de la prise en charge des enfants de 2 ans.

D’où une urgence à renouveler les interrogations sur l’école sur des bases plus cohérentes, à travers sa fonction de transmission des savoirs, appelée à assurer le développement des capacités de chacun. Le cadre de cette interrogation nous sera fourni par la théorie historico-culturelle du développement de Vygotski, qui inspire cette problématique d’une manière originale et puissante, tout en nous laissant responsables d’en concevoir les développements.

Comment se manifestent et se gèrent les ruptures induites par les lieux que l’on invente pour l’éducation, l’instruction et la formation ? Comment les diverses sortes de populations concernées, du très jeune enfant à l’adulte, les traversent-elles ? La socialisation des plus jeunes est-elle dirigée vers l’autonomie et le savoir-vivre en collectivité, ou vers la socialisation à l’ordre scolaire et la sensibilisation aux premiers contenus disciplinaires ? Quelles relations les différents champs institués en vue de la transmission des savoirs entretiennent-ils avec le développement, que ce soit dans le cycle général, dans l’enseignement spécialisé ou dans la formation professionnelle et des adultes ? Comment, pour penser l’école (y compris les institutions éducatives premières et les institutions de formation), prendre en compte ce qui relève du contexte, en entrée et en sortie ? Dans tous les cas, quelles continuités et quelles ruptures entre apprentissages institués et apprentissages non-formels, entre les formes de socialisation premières et la socialisation à l’ordre scolaire ? Quelle prise en compte du développement « déjà là » et de son articulation avec le développement potentiel ? Quelles continuités et quelles ruptures entre logique des savoirs et logique des compétences ? Entre développement par le concept ou par l’expérience ? Etc.



Après les quatre étapes précédentes, le 5ème Séminaire International Vygotski cherchera, à partir de la délimitation de plusieurs aspects dominants des problèmes posés aujourd’hui par le rôle de l’école et des institutions de formation, , à s’interroger sur l’apport vygotskien, sa dynamique et ses limites éventuelles, sous deux angles :

- approfondir la nature des positions concernant l’école et le préscolaire découlant de divers écrits de Vygotski, déterminer leur apport aux questions actuelles que nous nous posons, 



- et nous interroger, à la lumière éventuelle d’éclairages divergents, sur les limites voire les insuffisances de cet apport pour la compréhension du développement.

Nous déclinons ce thème central en cinq sous-thèmes qui sont autant de questions que nous mettons en débat dans cet axe.

1.      La question de la transmission des savoirs à l’école, qui implique un retour sur la problématique apprentissage – développement  : apports et limites du texte vygotskien. Quelles perspectives offre-t-il pour penser la nature de ce que l’école doit transmettre, pour analyser l’histoire et le statut des disciplines, pour aborder des questions comme la « forme » et la « culture » scolaires ?

2.      Vygotski et la question du handicap : et aujourd’hui ? Vygotski avait créé un laboratoire de psychologie sur l’enfance handicapée, à partir duquel il interpellait l’ensemble des processus éducatifs. Que penser du cloisonnement entre la pédagogie spécialisée et l’école « ordinaire » ? La tendance est aujourd’hui à le nier, mais comment ces deux mondes hétérogènes et disjoints vont-ils régler leurs relations réciproques ? L’examen du problème gagne-t-il à se référer aux positions de Vygotski sur ce qu’il appelait la défectologie moderne ? Autre développement ou autre voie pour le développement ?

3.      Socialisation, apprentissages et développement dans et hors l’école : questionnements psychologiques et sociologiques. Développement spontané et développement scolaire, socialisation première et socialisation scolaire, sont-ils des étapes successives, ou des processus interdépendants dont les relations ne cessent de se reconfigurer selon les milieux, les activités et les expériences sociales des sujets ? On se demandera si les modes de médiations propres à l’école et aux univers non-scolaires peuvent se conjuguer ou se disqualifier, au détriment du développement.

4.      Situations éducatives (préscolaires et scolaires) et dynamiques développementales. Dans une perspective plutôt ontogénétique, il s’agit de questionner continuités et ruptures pour reproblématiser la manière dont le développement « déjà là » se situe par rapport au développement potentiel –avec un regard sur les méthodologies utilisées par les chercheurs.

5.      Développement chez l’enfant – développement chez l’adulte. Formation générale – formation professionnelle et des adultes. « Je ne pense pas, écrivait Vygotski, que l’adulte ne se développe pas, mais je crois qu’il se développe en obéissant à d’autres règles, et que pour ce développement, il y a d’autres liens caractéristiques que pour l’enfant... » : où nous mène une telle affirmation, que l’on considère les soubassements psychologiques de la question, l’éclairage des contenus à transmettre ou les évolutions institutionnelles actuelles (« formation tout au long de la vie »…) ?

La manière dont seront gérés les débats au sein de ces 5 axes et les échanges entre axes est matérialisée dans le projet organisationnel mis sur pied, et qui fait l’objet d’un document spécifique.

 

 

 

 

18 avril 2011

ANNONCE

 

 


 

BBordeaux, du 19 au 21 Octobre 2011

 

5ème Séminaire International « Vygotski »

 

Organisé par l’IUFM d’Aquitaine,

Université Montesquieu Bordeaux IV

en partenariat avec

l’Université Victor Segalen Bordeaux 2.


 


VYGOTSKI ET L’ÉCOLE:

 

Apports et limites d’un modèle théorique pour penser

 

l’éducation et la formation aujourd’hui.

 

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VYGOTSKI ET L'ECOLE
  • Ce blog réunit les textes qui seront étudiés lors du 5ème Séminaire International Vygotski, Bordeaux 19-21 Octobre 2011, sur le thème "VYGOTSKI ET L'ECOLE". Pour plus de détails, cliquer sur http://iufm.u-bordeaux4.fr/accueil/recherche/colloque/seminair
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